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Réchauffement climatique, la Niña... Les scientifiques alertent sur le risque d'une saison des ouragans record

L'ouragan Otis s'approchant du Mexique le 24 octobre 2023

L'ouragan Otis s'approchant du Mexique le 24 octobre 2023 - NOAA / AFP

Les effets du dérèglement climatique et de l'arrivée du phénomène naturel de la Niña pourraient bien créer un cocktail de conditions nécessaires au développement des ouragans. Il est toutefois impossible de savoir s'ils toucheront les terres habitées.

La semaine dernière, le National Hurricane Center des États-Unis a émis sa première surveillance de l'année: le 24 avril, une zone de l'océan Atlantique a été identifiée comme nécessitant une attention particulière concernant un risque d'ouragan. C'est plus d'un mois avant le début officiel de la saison des ouragans, qui court du 1er juin au 30 novembre avec une phase particulièrement intense d'août à octobre.

Si cette alerte n'a finalement pas eu de conséquences, elle peut être un signe annonciateur de ce que prédisent les spécialistes pour 2024: une année particulièrement intense sur le front des ouragans.

Une saison "extrêmement active"

Dans une étude, l'équipe de recherche sur la météo tropicale et le climat de la Colorado State University anticipe jusqu'à 23 tempêtes significatives dont onze ouragans et cinq d'une force "majeure" cette saison, rapporte USA Today. C'est le chiffre le plus élevé jamais annoncé depuis le début des prévisions de cet organisme en 1995.

D'autres chercheurs de l'université de Pennsylvanie tablent même eux, avec une autre méthode de calcul, sur une fourchette de 27 à 39 tempêtes, 33 étant leur meilleure estimation. À titre de comparaison, le record absolu a été établi en 2020 avec 30 tempêtes de ce type.

D'après les relevés météorologiques effectués entre 1991 et 2020, une année compte en moyenne 14 tempêtes tropicales, dont sept se transforment en ouragans.

"Tout porte à croire que la saison sera extrêmement active: les températures de l'eau de l'Atlantique atteignent encore des records de chaleur et la transition vers La Niña est assez rapide", a déclaré Phil Klotzbach de l'université du Colorado auprès du média américain.

Température des océans record

En effet, le premier carburant d'un ouragan est la température des océans. Pour qu'un ouragan se forme, il faut que la surface de l'eau soit d'au moins 26°C. L'an dernier, le mercure a dépassé la barre des 38°C au large de l'archipel des Keys, en Floride (États-Unis).

En raison du dérèglement climatique, boosté par le phénomène naturel d'El Niño, qui induit en moyenne une hausse des températures moyenne de 0,1 ou 0,2°C à l'échelle de la planète, l'Atlantique nord est plus chaud que la normale. Et la National Oceanic and Atmospheric Administration prévoit que cela perdure au moins jusqu'au mois de septembre.

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Ces conditions contribuent à rendre l'atmosphère plus instable et à permettre aux tempêtes de puiser dans cet énorme bain chaud pour s'intensifier et ainsi potentiellement devenir des ouragans.

Les effets du dérèglement climatique

Bien qu'El Niño augmente la température des océans, il a tendance à produire des régimes de vents dans l'Atlantique qui freinent le développement des tempêtes tropicales.

Cette anomalie naturelle se produit de manière cyclique, tous les deux à sept ans. Par conséquent, alors qu'elle battait son plein l'année dernière, 2023 aurait dû connaître une saison des ouragans moins intense que la moyenne.

Toutefois, il semble que la surchauffe des océans, liée au réchauffement climatique, a nettement surpassé les effets d'El Niño puisque l'Atlantique a produit sept ouragans, ce qui correspond à la moyenne d'une saison normale.

Selon la National Oceanic and Atmospheric Administration, les températures de surface de l'océan ont augmenté de 0,88 °C entre 1850 et 2020.

Début de La Niña en 2024?

À l'échelle de la planète, le phénomène El Niño alterne naturellement avec La Niña, phénomène sœur, qui a tendance, elle, à refroidir le climat. Cette dernière produit un effet contraire sur le développement des ouragans puisqu'elle accentue leur survenue.

Le phénomène El Niño entraîne un cisaillement des vents assez important dans l'Atlantique Nord, ce qui défavorise la formation des ouragans. Lors de La Niña, ce processus inhibiteur n'existe pas et cela produit des régimes de vents qui favorisent, à l'inverse, le développement des tempêtes dans l'océan, ce qui augmente encore les chances d'une saison active sur le front des ouragans.

Les ouragans s'intensifient

En outre, selon plusieurs récentes études, le dérèglement climatique intensifie les phénomènes d'ouragans à travers le globe. En effet, comme indiqué plus haut, la hausse des températures des eaux favorisent les tempêtes.

De plus, plus l'atmosphère est chaude, plus l'air contient de l'humidité, ce qui contribue à la formation de phénomènes météorologiques extrêmes. Selon le Berkeley Lab cité par Futura-Sciences, l'ouragan Ian de 2022 a déversé 10% de précipitations supplémentaires en raison de la chaleur excessive du golfe du Mexique à ce moment-là. Cela signifie que si l'eau n'avait pas été 0,8°C plus chaude que la norme, l'ouragan aurait donné lieu à 10% moins de précipitations.

Des scientifiques ont également montré que les ouragans s'intensifiaient de plus en plus rapidement, c'est-à-dire qu'ils passent plus facilement d'une simple dépression ou tempête tropicale au stade d'ouragan.

Comme le note le Washington Post, sept des huit dernières saisons d'ouragans ont connu une activité supérieure à la moyenne.

Un danger pour les terres habitées?

Alors faut-il s'inquiéter? Si cette saison pourrait être active, cela n'indique en rien l'endroit où les tempêtes et les ouragans pourraient se former puis se déplacer. "Peut-être que nous aurons de la chance et qu'elles resteront au-dessus de l'Atlantique", affirme à USA Today Robbie Berg, spécialiste des ouragans au National Hurricane Center.

Les études ont néanmoins montré que le phénomène de La Niña tend à déplacer les ouragans vers l'ouest à travers l'Atlantique lorsqu'ils s'approchent des îles de l'extrême est des Caraïbes plutôt que de se diriger vers le nord.

Conséquence: cela favorise l'arrivée des ouragans le long de la côte Est des États-Unis, de la Floride au Maine, note Phil Klotzbach de l'université du Colorado.

Salomé Robles